ONFR+ 9 novembre 2022
SUDBURY – La discrimination est bien présente à Sudbury. Selon une étude présentée aujourd’hui par le Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario (RSIFNO), une grande majorité des immigrants noirs francophones peuvent en témoigner.
« Quand j’ai vu ces chiffres, j’ai fait un bond », confie Inès Bouguerra, agente de coordination au RSIFNO pour la région Centre-Nord et chercheuse à l’Université Laurentienne.
Selon les résultats de l’étude, 80 % des immigrants noirs francophones perçoivent de la discrimination à différents degrés alors que 57 % révèlent en avoir subi directement.
L’étude faisant près de 100 pages a été menée en deux ans sur un échantillon de 173 immigrants francophones noirs issus de 17 pays incluant entre autres la Côte d’Ivoire (65), le Congo (31), Haïti (20).
Le secteur où ces discriminations se manifestent le plus demeure celui de l’emploi, alors même que la ville peine à recruter de la main-d’œuvre dans de nombreux domaines.
Plus des deux tiers des répondants (68 %) déclarent avoir perçu une forme de discrimination tandis que plus de la moitié (58 %) disent en avoir été impacté.
« J’ai senti beaucoup de racisme systémique au niveau de l’école surtout, mais aussi au niveau même de l’emploi à la sortie. Beaucoup, lorsqu’ils sortent, ils ne peuvent pas trouver de l’emploi, même au niveau de l’enseignement, c’est difficile », raconte un participant de l’étude.
SÉGRÉGATION EN ÉDUCATION
Tout de suite après, le domaine de l’éducation où la discrimination s’illustre le plus et c’est près de 46 % qui disent en avoir vécu et 37 % qui disent avoir perçu.
Ici encore, une étude qui se révèle éclairante dans un contexte où une grande partie des étudiants des institutions dépendent de la proportion importante issue de l’international, particulièrement l’Afrique et l’Asie.
La ségrégation s’est même invitée sur les bancs de l’école selon des témoignages anonymes des participants de l’étude : « Les Noirs s’asseyaient dans une partie, puis les blancs étaient dans une partie. C’était comme ça. Je suis désolée, mais c’est la réalité. On était tous séparés. Il y avait les Noirs et les Blancs. Il n’y avait même pas un prof qui disait quelque chose. »
LA MINORITÉ EXCLUANT LA MINORITÉ
L’étude démontre également que l’unilinguisme des immigrants francophones participent à créer une forme d’exclusion au sein de la communauté anglophone : « La non-maitrise de la langue anglaise s’avère la cause prééminente de ce faible sentiment d’inclusion, voire d’exclusion de la communauté anglophone. »
Les immigrants francophones rapportent également « être jugés et rejetés à cause de leur manière de prononcer l’anglais », selon les données révélées dans l’étude.
Selon un des participants de l’étude, le rejet se retrouve aussi du côté de la, elle-même minoritaire, communauté franco-ontarienne.
« Pourquoi on est venu ici ? C’est parce qu’on a appris qu’il y a une communauté franco-ontarienne qui est minoritaire, qui a besoin de la force. Puis nous, on est francophones. On peut apporter notre force. Mais quand on arrive, cette communauté-là dit qu’il faut que tu aies certaines compétences avant qu’on t’accepte. »
PLUSIEURS RECOMMANDATIONS ÉMISES
Dans le cadre de la Semaine nationale francophone de l’immigration (SNIF), un forum a eu lieu ce matin pour présenter les résultats de l’étude au Collège Boréal.
Plusieurs recommandations ont étés émises par les participants de l’assemblée. La sensibilisation en fait partie, l’information également, notamment au sujet des droits auxquels ces immigrants peuvent prétendre.
La rencontre entre les communautés, à travers des « événements inclusifs où on apporte les deux communautés à se parler continuellement, à s’échanger » a aussi été présentée comme une piste de solution.
L’éducation semble aussi être une autre voie soulignée par plusieurs participants : « Éduquer les enfants, d’accepter les gens comme ils sont avec leurs différences, même si, par exemple, on voit, on accepte presque tout sauf les noirs. »
SUDBURY, VILLE DÉSIGNÉE BILINGUE
La ville du Grand Sudbury avait été désignée comme communauté francophone accueillante (CFA) en 2019, c’est dans ce contexte qu’a été conçue cette première étude, unique en son genre, dans la ville du Nickel selon la chercheuse.
Selon Moïse Zahoui, coordonnateur des services en immigration au Centre de santé communautaire du Grand Sudbury et responsable du programme CFA confie ne pas être surpris par les résultats de l’étude.
« On est tristes de se rendre compte que ce qu’on avait pensé est un fait, mais il n’y a pas d’effet de surprise, mais on veut s’en servir pour fournir des outils pour combattre la situation », explique-t-il.
Selon lui, il faut aller plus loin dans le suivi des nouveaux arrivants dont les services s’arrêtent après les cinq premières années d’installation comme le prouve l’étude avec la baisse significative du sentiment d’appartenance au delà de six années.
« L’état de santé des nouveaux arrivants est excellent mais plus le temps avance et plus il se dégrade surtout après dix années donc il y a un lien à faire ici », note-t-il comparant cette étude avec celle menée au centre de santé communautaire.
Le Réseau de soutien à l’immigration francophone du Nord de l’Ontario compte mener des études similaires dans les régions de Nipissing et d’Algoma dans le futur.