Immigration Francophone : Les Partis Fédéraux sortent le bâton

ONFR+ 1 FÉVRIER 2023

OTTAWA – C’était la carotte ou le bâton et les partis fédéraux ont opté pour la méthode dure dans le dossier de l’immigration francophone. Pas question de passer 20 autres années d’échecs consécutifs en immigration francophone hors Québec, ont déclaré à l’unisson les quatre principaux partis fédéraux. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) sera obligé à l’avenir d’atteindre sa cible en immigration francophone.

En 2003, Ottawa s’était donné une cible hors du Québec de 4,4 %, mais cette dernière n’a jamais été atteinte depuis, sauf de justesse l’an dernier. Ces échecs consécutifs ont contribué au déclin du français hors du Québec, selon une étude. En Comité des langues officielles mardi soir, les partis ont voté tous en faveur d’amendements qui ne permettront plus à IRCC de s’extirper de son objectif à l’avenir.

Les députés se retrouvent présentement à étudier, article par article, le projet de Loi C-13 qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles (LLO). Dans la mouture déposée en mars dernier, Ottawa se dotait d’une politique en immigration francophone avec des cibles et indicateurs, mais ne forçait en aucun moyen IRCC à une obligation de résultats.

Le tout a changé mardi soir alors que tous les partis ont appuyé et voté pour l’amendement suivant :

Qu’il reconnaît l’importance de remédier au déclin du poids démographique des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l’accroissement de celui-ci.

Qu’il reconnaît l’importance de l’immigration francophone pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l’accroissement de leur poids démographique.

Un fonctionnaire d’IRCC avait soulevé des craintes d’un tel changement, mais cela n’a pas empêché le Parti libéral, les conservateurs, le NPD et le Bloc Québécois de faire fi de celles-ci en votant tous en faveur quelques instants plus tard.

« En utilisant le mot “assurer”, on légifère une obligation de résultat dans un domaine de compétence partagée où les provinces et territoires ont aussi une contribution marquée à apporter (… ). Il y aurait un risque, vu que le gouvernement fédéral ne contrôle pas tous les paramètres », avait prévenu Alain Desruisseaux, directeur général des politiques en immigration francophone et langues officielles à IRCC.

Le fait d’inclure le mot « assurer » comme le craint le ministère, forcera un changement de mentalité au sein de celui-ci, estime l’avocat en droits linguistiques Mark Power. « Ça va exiger une obligation de résultat. Ça va exiger plus que des efforts, ça va exiger des résultats concrets. C’est tout un changement », affirme-t-il.

Comme le comité en est à ses premiers amendements, il est difficile de déterminer quelles seront les obligations précisées mais, en cas d’échec des cibles, IRCC pourrait se risquer des poursuites judiciaires sous peine de ne pas respecter la LLO. À moins qu’un déraillement majeur ne survienne à la Loi d’ici là, cet amendement sera dans la version modifiée.

UNE DEMANDE DE LONGUE DATE

Il s’agissait d’une demande unanime des organismes francophones, comme la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). Les organisations francophones ainsi que le Commissariat aux langues officielles dénoncent depuis plusieurs années le laisser-aller du gouvernement et d’IRCC dans le dossier.

« On est très heureux. Le changement de langage va donner le message à l’ensemble du ministère que ça prend une politique en immigration francophone beaucoup plus forte », a réagi la présidente de la FCFA Liane Roy.

« Il faut mettre fin à la situation qu’on a vécue jusqu’à maintenant où on accueille très peu d’immigrants francophones. C’est historique », clame de son côté la députée néo-démocrate Niki Ahston, à l’origine de l’amendement exigeant des obligations à IRCC.

Le gouvernement a récemment annoncé avoir atteint sa cible de 4,4 % en immigration francophone en 2022. Cela constitue un bon premier pas, mais un coup de barre était toujours nécessaire, ont soutenu les libéraux.

« Ils (IRCC) ont eu le message en 2022 et déjà des démarches ont été prises. Maintenant, il faut en faire plus : le comité a été clair et unanime », affirme Marc Serré, le secrétaire parlementaire de la ministre des Langues officielles.

L’étude du projet de loi doit reprendre ce vendredi.