Immigration : l’Ontario s’impatiente alors que les négociations avec Ottawa s’étirent

Natasha MacDonald-Dupuis Radio Canada 1 novembre 2022

À moins d’un mois de la fin de l’accord quinquennal Canada-Ontario sur l’immigration, le gouvernement Ford ne sait toujours pas s’il obtiendra les nouveaux pouvoirs qu’il réclame depuis des mois à Ottawa pour combler sa pénurie de main-d'œuvre.

Depuis l’élection provinciale de juin, Doug Ford a dit à maintes reprises qu’il méritait d’être sur un pied d’égalité que François Legault en la matière. Le Québec détient plus de contrôle sur le choix de ses immigrants, mais pour des raisons linguistiques.

Je ne vois aucun sentiment d’urgence de la part du gouvernement fédéral, lance le ministre du Travail et de l’Immigration de l’Ontario, Monte McNaughton, en entrevue avec Radio-Canada.

Son dernier appel à son homologue fédéral, Sean Fraser, remonte au 24 octobre. Leurs appels réguliers n’ont jusqu’ici pas abouti à des concessions importantes, dit-il.

Entre autres, l’Ontario veut doubler à 18 000 l'an prochain le nombre d'immigrants économiques dans le cadre du Programme ontarien des candidats à l'immigration. Cette année, leur nombre augmentera légèrement, à hauteur d'environ 9700 immigrants, contre 9000 l’an dernier.

L’Ontario demande aussi plus de marge de manœuvre pour étendre l’accès aux permis de travail pour les travailleurs qualifiés et de la santé, ainsi qu’un financement accru pour la formation des nouveaux arrivants.

Le ministre McNaughton espère obtenir certaines réponses aujourd’hui, à savoir notamment si l’Ontario recevra plus d’immigrants que prévu dans les prochaines années. Le gouvernement fédéral doit dévoiler ses cibles d'immigration jusqu’en 2025, en fin de matinée.

Le Québec plus prioritaire?

Les demandes de François Legault en matière d’immigration sont probablement plus prioritaires pour le gouvernement Trudeau que celles de Doug Ford, croit le directeur de l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill, Daniel Béland, puisque le débat est plus politisé au Québec.

D’ailleurs, de l’aveu même du ministre McNaughton, ce n’est pas un sujet qui divise en Ontario.

Le gouvernement fédéral fait attendre l'Ontario à la dernière minute, probablement parce que le but est de conclure un accord identique ou très semblable, plutôt que de faire des concessions importantes, dit M. Béland.

D’autant plus, ajoute le politologue, que les études ne sont pas unanimes quant à l’incidence de l’immigration sur la pénurie de main-d'œuvre.

Il n’écarte pas la possibilité que les deux provinces puissent décider de faire front commun pour réclamer plus de pouvoirs à Ottawa dans ce dossier, comme ils le font déjà pour les transferts en santé, ce qui pourrait entraîner un effet domino.

Doug Ford a déjà soulevé la question au Conseil de la fédération en juillet et signé une lettre conjointe avec ses homologues de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba le même mois demandant au ministre fédéral Sean Fraser de permettre à leurs provinces de sélectionner davantage d’immigrants avec les compétences dont leurs provinces ont le plus besoin.

Ottawa reste très prudent, parce que le Québec est vu comme une société distincte. Si on commence à donner des pouvoirs équivalents à l’Ontario, ça ouvre la porte à ce que toutes les provinces réclament l’autonomie, conclut Daniel Béland, qui ne croit pas non plus que Québec obtiendra de son côté d’importantes concessions.

En 2021, l’Ontario a accueilli 200 000 immigrants, soit quatre fois plus que le Québec. Il y aurait environ 400 000 emplois vacants en Ontario, selon la province.

Plus d'aide pour les Ukrainiens

Outre les demandes formulées plus haut, l’Ontario demande à Ottawa de reclasser les réfugiés ukrainiens pour qu’ils puissent obtenir de l’aide financière plus longtemps après leur arrivée au pays.

L’Ontario, dit le ministre McNaughton, a accueilli 25 000 réfugiés de l’Ukraine depuis le début de la guerre et s’attend à en recevoir davantage.

En mars, Monte McNaughton disait que 30 000 emplois étaient disponibles pour ces réfugiés dans la province. Le ministre n’a pas été en mesure de confirmer à Radio-Canada combien de ces postes avaient depuis été pourvus.

De son côté, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada souligne que l’Ontario reçoit la plus grande allocation de places parmi les provinces et les territoires, et [...] la plus grande part d’immigrants qui viennent au Canada.

IRCC rappelle aussi avoir mis en place une refonte du système Entrée express pour répondre aux besoins économiques, qui était incluse dans sa loi sur le budget adoptée au printemps.

L’accord Canada-Ontario sur l’immigration prend fin le 24 novembre.