Inès Lombardo • L’Express • 1 février 2023
Le ministère de l’Immigration devra participer concrètement à rétablir le poids des francophones en situation minoritaire.
Il s’agit du seul amendement adopté par les membres du Comité permanent des langues officielles au projet de loi C-13 lors de la reprise de leurs travaux, mardi.
L’amendement sur le rétablissement du poids démographique des francophones, porté par la députée franco-ontarienne libérale Arielle Kayabaga, a été renforcé par le NPD pour obliger Immigration, réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) à fournir des résultats.
«Bravo les amis», a ironisé le président du Comité, René Arseneault, en référence à un premier consentement unanime, arrivé en fin de comité.
Avec l’aide des fonctionnaires des ministères de Patrimoine canadien, d’IRCC et du Conseil du trésor, les députés ont décortiqué l’article 2 du projet de loi, le préambule de la loi.
Le libellé de l’amendement libéral au projet de loi C-13, tel que sous-amendé par le NPD:
«Que le projet de loi C-13, à l’article 2, soit modifié par substitution aux lignes 31 à 35, page 2, de ce qui suit:
Qu’il reconnaît l’importance de remédier au déclin du poids démographique des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l’accroissement de celui-ci;
Qu’il reconnaît l’importance de l’immigration francophone pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l’accroissement de leur poids démographique.»
Le directeur général des politiques en immigration francophone et langues officielles à IRCC, Alain Desruisseaux, a jugé l’amendement néo-démocrate trop contraignant. Une option moins bien «arrimée à la réalité» selon lui.
«Le ministère a franchi la barre de 4,42 % [de nouveaux arrivants francophones hors Québec]. C’est un premier pas, il y a encore beaucoup à faire. On regarde maintenant à quoi les projections peuvent ressembler pour 2024. La cible future n’a pas été définie, mais elle sera possible, ambitieuse, atteignable», a-t-il ajouté.
La Charte de la langue française échauffe les débats
Le Comité a aussi été marqué par un débat sur la Charte de la langue française du Québec au sein de la future Loi sur les langues officielles.
Le bloquiste Mario Beaulieu a proposé dans son amendement la reconnaissance de l’aménagement linguistique du Québec prévue dans la Charte québécoise. Selon lui, «ce n’est pas l’anglais qui est menacé au Québec, c’est le français».
Ce qui a fait réagir le libéral Anthony Housefather, député anglophone du Québec: «Est-ce que ça veut dire qu’on va s’engager à respecter une loi en fonction de ce qu’une législature provinciale veut faire? On ne sait pas ce qui sera amendé dans l’avenir, mais on s’engage à le respecter?»
«Oui, on s’engage à respecter le choix des Québécois sur leur aménagement linguistique, peu importe les changements à venir», a répondu Julie Boyer, sous-ministre adjointe des Langues officielles.
Elle a nuancé: «On est dans le préambule de cette loi. Ça n’a pas d’effet contraignant, mais ça stipule l’intention derrière C-13. Si les lois provinciale et fédérale sont en conflit dans l’interprétation, la loi fédérale a préséance».
L’inclusion de la Charte de la langue française dans la Loi sur les langues officielles permettrait l’utilisation éventuelle de la clause dérogatoire, s’est inquiétée Patrizia Lattanzio, «ce qui limiterait en obligeant à respecter la loi provinciale, même si la loi fédérale prévaut».
«C’est une déclaration d’intention», a rappelé Julie Boyer.
Le débat s’est allongé, jusqu’à ce que l’amendement du Bloc soit rejeté par les Libéraux et la Néo-Démocrate Niki Ashton.
Plus tard, Anthony Housefather est revenu sur le recours à la clause dérogatoire dans la Loi sur les langues officielles.
Anthony Housefather a insisté: «Je ne pense pas que la clause dérogatoire devrait être là. On n’a jamais dit que cette clause pouvait être utilisée de cette façon. C’est un droit limité et pas raisonnable dans une société démocratique, c’est ce qu’ont dit les tribunaux. La mention de la langue officielle du Québec, je garde! Mais pas de référence à la Charte de la langue française.»