Les commissaires à l’immigration craignent pour leur santé mentale

VINCENT LAROUCHE LA PRESSE 27 octobre 2022

« Si la charge de travail ne diminue pas, il y aura juste plus de burn-out », s’inquiète Genadi Voinerchuk, représentant en santé et sécurité au travail pour le Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada.

Le syndicat représente une bonne partie des décideurs de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié chargés de décider si les demandeurs obtiendront ou pas le statut de réfugié au Canada. Ceux-ci croulent sous les dossiers, affirme M. Voinerchuk.

« La charge de travail augmente. Le Canada s’est doté de cibles plus importantes en matière d’acceptation d’immigrants et de réfugiés, mais le nombre de commissaires n’a pas crû avec l’augmentation de ces cibles », dit-il.

Genadi Voinerchuk, représentant en santé et sécurité au travail pour le Syndicat de l’Emploi et de l’Immigration du Canada

Récemment, La Presse rapportait que des commissaires du Québec se plaignaient d’ingérence de gestionnaires fédéraux qui leur dictent parfois qui accepter et qui refuser au Canada. La direction de la Commission avait expliqué à cet égard que les gestionnaires doivent respecter l’indépendance des commissaires, mais qu’ils ont aussi le devoir de s’assurer que les décisions sont rendues dans un délai raisonnable.

Le syndicat croit aussi que c’est pour accélérer la cadence que des gestionnaires se mêlent des dossiers, vu la montagne de demandes à traiter. « Il serait raisonnable de penser qu’avec des cibles plus importantes et des quotas non atteints de façon récurrente, certains gestionnaires mettent de la pression sur les commissaires pour prendre leurs décisions plus rapidement », observe le représentant syndical.

Les arrivées augmentent

Celui-ci souligne que les demandeurs d’asile méritent de voir leur dossier étudié de façon « dilligente », mais que la pression exercée actuellement sur les commissaires menace leur santé mentale. La plainte déposée au Programme du travail, une instance fédérale qui surveille le respect du Code canadien du travail, assimile la situation actuelle à de la négligence qui met les employés à risque d’accidents de travail et de maladies professionnelles.

« On demande des instructions pour que l’employeur trouve une autre façon d’attribuer les dossiers », explique M. Voinerchuk.

La Presse révélait mardi comment le flux de demandeurs d’asile interceptés à la frontière entre le Québec et les États-Unis a littéralement explosé récemment. En tout, 23 358 personnes ont été interceptées par la GRC entre janvier et août, selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). C’est plus, en huit mois, que les totaux pour toute l’année enregistrés en 2018 et en 2019.

Et les prévisions d’Ottawa pour le reste de l’année laissent croire à un nombre record d’entrées pour le total de l’année 2022.