L’Ontario veut plus de pouvoirs en immigration comme le Québec

Grégory Wilson 18 juillet 2022

Le gouvernement ontarien veut obtenir un meilleur contrôle sur l’immigration dans sa province pour attirer plus de travailleurs qualifiés de l’étranger et ainsi combler sa pénurie de main-d'œuvre dans certains secteurs. C’est pourquoi il compte renégocier son entente sur l’immigration avec le gouvernement fédéral cet automne.

Le ministre provincial du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences, Monte McNaughton, indique travailler étroitement avec son homologue fédéral, Sean Fraser, sur cette question.

Je lui ai fait savoir que le plus grand défi économique auquel l'Ontario fait face aujourd’hui est que nous avons 378 000 postes à pourvoir, affirme-t-il. L’immigration pourrait être un outil clé pour nous aider à résoudre notre manque de main-d'œuvre.

Monte McNaughton souligne que la province a notamment besoin de travailleurs de métiers spécialisés ainsi que du domaine de la santé.

Il explique que l’Ontario n’a un pouvoir décisionnel que sur 5 % des immigrants sélectionnés pour s’établir dans la province. Selon lui, le gouvernement provincial mérite un plus grand pouvoir, comme ce que possède déjà le Québec.

Il y a peut-être un peu de jalousie par rapport au Québec, mais la situation est différente, estime de son côté le professeur émérite au Département de sciences économiques de l’Université d’Ottawa, Gilles Grenier.

Le Québec depuis plusieurs années choisit ses propres immigrants économiques avec ses propres cibles et ses propres critères [d’admission] pour des raisons un peu historiques, culturelles et linguistiques.

L'économiste comprend que l’Ontario veuille renégocier son partage des pouvoirs avec Ottawa, mais ce n’est pas une question fondamentale à son avis.

Un processus administratif d’admission au ralenti

Gilles Grenier remarque par ailleurs que les deux niveaux de gouvernement s’entendent au moins sur une chose : À tort ou à raison, on a besoin de beaucoup d’immigrants pour répondre aux besoins de main-d'œuvre.

Le hic vient plutôt, selon lui, de la structure administrative du gouvernement fédéral.

Les délais sont très longs, soutient-il. C’est un peu contradictoire, le fédéral a augmenté dans les dernières années de façon importante ses seuils d’immigration, mais on n’a pas les ressources administratives pour le processus.

Donc, les gens attendent souvent pendant des années pour avoir une réponse à leurs demandes.

Gilles Grenier croit cependant que cette situation ne s’améliorerait pas avec la province aux commandes.

Le professeur émérite ajoute d’ailleurs que plusieurs économistes ne sont pas d’accord avec la notion que l’immigration est la solution à cette pénurie de main-d'œuvre.

Oui, les immigrants sont des travailleurs, mais ils vont aussi demander des services du gouvernement. Un immigrant qui arrive a besoin de santé, d'éducation. On a donc besoin de plus de médecins. Il y a aussi la question du logement qui est importante, conclut-il.

Accélérer la reconnaissance des compétences, une solution?

La cheffe de l’équipe linguistique et de la formation au Centre des nouveaux arrivants de l’Agincourt Community Services Association (ACSA), Christine Markwell, croit pour sa part que la solution est d’accélérer la reconnaissance des compétences des nouveaux arrivants déjà sur place.

Elle rappelle que la province a déjà accueilli de nombreuses personnes, dont des étudiants internationaux et des immigrants d’autres catégories d’admission, et que c’est déjà très difficile d’entrer sur le marché du travail.

Christine Markwell prend notamment l’exemple des immigrants venant des Philippines avec des formations en soins infirmiers.

Ils ont souvent des difficultés à faire reconnaître leurs compétences et le Conseil canadien de réglementation des soins infirmiers a des exigences très strictes et on pense qu’elles sont discriminatoires pour beaucoup d’infirmières formées à l’étranger, soutient-elle.

La spécialiste croit donc que la province devrait plutôt miser sur un meilleur accueil des immigrants déjà sur place. Cela passe avant tout en s’assurant que ce soit plus facile pour les nouveaux arrivants de travailler dans leur domaine.

Christine Markwell propose notamment la mise en place d’un programme ou des cours d’environ six mois pour que ces nouveaux arrivants puissent plus rapidement mettre leurs compétences à niveau et comprendre les particularités canadiennes de leur métier.