Une visite guidée virtuelle du Canada autochtone

Summary

Depuis sa création en 2009 au Canada, le Mois national de l’histoire autochtone, juin, nous permet de rendre hommage aux importantes contributions des peuples autochtones à la société canadienne et de mieux connaître leur histoire, leur façon de voir le monde, leurs traditions et la grande diversité de leurs cultures. De nombreuses activités et expositions sont organisées un peu partout au pays dans le but de partager le monde des Autochtones avec le reste des Canadiens.

Michèle Villegas-Kerlinger • L’Express • 2 juin 2022

Depuis sa création en 2009 au Canada, le Mois national de l’histoire autochtone, juin, nous permet de rendre hommage aux importantes contributions des peuples autochtones à la société canadienne et de mieux connaître leur histoire, leur façon de voir le monde, leurs traditions et la grande diversité de leurs cultures.

De nombreuses activités et expositions sont organisées un peu partout au pays dans le but de partager le monde des Autochtones avec le reste des Canadiens.

Les noms de lieux comme témoins du passé

Une façon de mieux connaître un peuple est grâce à la toponymie. Selon le site www.cnrtl.fr, la toponymie a deux définitions, une qui est générale et une autre qui relève de la linguistique.

Pour la première, nous pourrions définir la toponymie comme l’ensemble des noms de lieux d’une région ou d’une langue.

Pour la seconde, il s’agit d’une étude linguistique de ces noms du point de vue de leur origine, de leur changement au cours de l’histoire ou de leur signification.

Tous les peuples cherchent à nommer les lieux qu’ils explorent, remplaçant souvent un nom par un autre qui appartient à leur propre langue, supplantant ainsi une réalité par une autre. Le Canada n’en fait pas exception, mais nos prédécesseurs, français surtout, ont choisi de garder un grand nombre de noms de lieux autochtones.

30 000 noms de lieux autochtones

En effet, le Canada compte quelque 30 000 noms de lieux officiels d’origine autochtone, dont 23 303 noms confirmés et 6 272 noms probables, qui représentent 84 langues et dialectes autochtones.

Actuellement, les gouvernements provinciaux et fédéral font des efforts pour rétablir certains noms autochtones traditionnels afin de mieux refléter la culture des premiers peuples du Canada et de favoriser la réconciliation avec les Premières nations, les Inuits et les Métis.

À titre d’exemple, le gouvernement provincial de l’île de Prince-Édouard a demandé récemment à Ottawa de rebaptiser le pont de la Confédération «la traverse ou la traversée Epekwitk Crossing», du nom originel de l’île.

Pour célébrer les premiers peuples du Canada et mieux les connaître grâce à la toponymie, je vous propose ce mois-ci un petit tour virtuel des provinces et des territoires du pays ainsi qu’une de leurs villes. On fera notre visite d’Est en Ouest pour la terminer dans le Grand Nord canadien.

Peu de noms de lieux autochtones dans les Maritimes

Même si Terre-Neuve et Labrador n’est pas un nom autochtone, la ville de Makkovik, située sur la côte est du Labrador, est d’origine inuktitut. Le mot «vik» veut dire «endroit» et «makko» viendrait du terme «maggok» qui signifie «deux».

En effet, près de Makkovik se trouvent deux bras de mer importants: le port et la baie de Makkovik. De plus, il y a deux ruisseaux qui se déversent dans les deux détroits.

La Nouvelle-Écosse ne porte pas un nom autochtone non plus (et Nova Scotia est latin!). Mais une de ses villes, Meteghan, située dans le sud-ouest de l’île, tire son nom de «mitihikan», mot mi’kmaq qui signifie «pierres ou roches bleues».

Bien que le nom de l’Île de Prince-Édouard ne soit pas autochtone, le nom d’une de ses villes, Tignish, qui se trouve sur la pointe nord de la province, pourrait venir de «mtagunich», mot mi’kmaq qui se traduit par «pagaie».

À l’égal des autres provinces de l’Est, le Nouveau-Brunswick ne porte pas un nom autochtone, mais le nom du comté de Restigouche vient d’un mot mi’kmaq qui signifie «les cinq doigts». Ces cinq extrémités représenteraient les cinq affluents principaux qui se déversent dans la rivière Restigouche, soit la Matapédia, l’Upsalquitch, la Patapedia, la Little Main Restigouche et la Kedgwick.

Abondance de noms autochtones au Québec et en Ontario

Il va sans dire qu’il y a au Québec une multitude de noms de lieux d’origine française. Pourtant, les noms autochtones y sont très nombreux aussi.

On n’a qu’à penser au nom de la province et de sa capitale qui vient du mot algonquien «kebek» qui veut dire «détroit ou passage qui se rétrécit». En consultant une carte, on verra la logique derrière cette appellation. Ce même mot existe dans les langues cri et mi’kmaq.

L’Ontario doit son nom à la langue huronne. Désignant tout d’abord le lac, le terme pourrait être une variation du mot «onitariio» qui signifie «lac magnifique» ou venir du terme «kanadario» qui veut dire «scintillantes» ou «splendides».

Toronto, la plus grande ville de la province, est un mot d’origine mohawk. Le terme «tkaronto» décrit les enceintes de pieux utilisées autrefois pour la pêche et situées à l’endroit de la ville actuelle d’Orillia. Le terme se traduit par «où se trouvent des arbres sortant de l’eau».

Manitoba

Passons maintenant au Manitoba, province dont le nom semble avoir deux origines possibles.

Le mot cri «Maniotwapow» veut dire «le détroit de l’esprit ou manitobau». Ce nom fait penser au grondement fait par les cailloux sur une plage d’une île qui se trouve au milieu du lac Manitoba. Pour les Cris, ce bruit ressemblait à celui que ferait un manitou ou un autre esprit en frappant sur un tambour.

Selon une autre théorie, le nom viendrait de la langue assiniboine. Les mots «mini» et «tobow» veulent dire «lac des prairies».

Le mot Winnipeg, la capitale de la province, est aussi le nom d’un lac et d’une rivière. Il vient du mot cri «Winnipi» qui signifie «eau sale ou sombre».

Saskatchewan

Quant à la province de Saskatchewan, elle tire son nom de la rivière du même nom et que les Cris appelaient «Kisiskatchewani Sipi», c’est-à-dire «rivière au débit rapide» ou torrent. C’est de là que vient le nom du journal franco de la province: L’Eau vive.

Pour l’origine du nom de la ville de Saskatoon, il y a deux explications possibles.

La première avance que le mot viendrait d’un fruit appelé «misâskwatômina» en cri, ou baies de Saskatoon en français.

L’autre prétend que le mot fait référence au terme cri «manimisāskwatān», qui est le lieu où des Cris ont coupé des branches de cet arbuste pour en faire des flèches lors d’une chasse au bison.

Moins de noms de lieux autochtones sur la côte ouest

Bien qu’Alberta ne soit pas un nom d’origine autochtone, la ville de Wetaskiwin, qui se trouve à mi-chemin entre Edmonton et Red Deer, doit son nom au mot cri «witaskioochakatinow» qui signifie «endroit ou colline de la paix».

La Colombie-Britannique ne porte pas un nom autochtone non plus. Mais le nom d’une de ses villes près de Vancouver, Coquitlam, vient du terme salish «kawayquitlam» qui se traduit par «petit saumon rouge» en raison du saumon sockeye typique de la région.

Les territoires et leur toponymie inuite

Le nom «Yukon» vient probablement de «yukunah», mot signifiant «grande rivière». Tagish, le nom d’une ville au sud de Whitehorse, vient de «tagizi dene» qui désigne le peuple tagish.

Les Territoires du Nord-Ouest ne doivent pas leur nom aux Inuits, mais la ville de Behchoko, au nord de Yellowknife, vient de la langue tłı̨chǫ. Le terme «nehchokǫ̀» veut dire «grand couteau».

Notre dernier arrêt est à Nunavut, mot qui veut dire «notre terre». Iqaluit, la capitale, signifie «là où il y a beaucoup de poissons».

Le «village» canadien

Et que dire des mots «Canada» et «Ottawa»? Le premier viendrait de «kanata», mot huron ou iroquois signifiant «village».

Le second est dérivé du terme algonquin «adawe» qui veut dire «commercer». C’est aussi le nom de la nation qui contrôlait autrefois les échanges commerciaux le long de la rivière des Outaouais.

Un pas vers la réconciliation

Les noms de lieux autochtones racontent l’histoire des premiers peuples du pays et partagent leur vision unique du monde.

La Commission de toponymie du Canada travaille depuis plusieurs années avec différents groupes autochtones dans le but de rétablir certains noms de lieux traditionnels afin de mieux refléter la culture des Premières nations, des Inuit et des Métis au pays et de promouvoir la réconciliation.

Étant donnée toute la controverse entourant certains noms de lieux, comme «Berlin» en Ontario devenue la ville de Kitchener en 1916, la «Ryerson University» rebaptisée la «Toronto Metropolitain University», les écoles Sir John A. Macdonald, Amherstburg en Ontario ou la rue Dundas à Toronto, l’initiative de la Commission prend tout son sens.

Pour en savoir plus

Pour ceux qui voudraient en savoir plus long sur la toponymie canadienne, voici quelques sites d’intérêt :