Pénurie de personnel et manque de formation culturelle : des obstacles aux soins

6 juin 2022 Radio-Canada

Garnet Angeconeb, un aîné autochtone hospitalisé depuis trois mois au Centre de santé Meno Ya Win de Sioux Lookout, est parmi ceux qui font les frais de la pénurie de main-d'œuvre en santé, alors qu’il a parfois dû attendre de nombreuses heures pour obtenir des soins.

  1. Angeconeb, de la Première Nation de Lac Seul, dans le nord-ouest de l'Ontario, est atteint de la maladie de Kennedy, un trouble neuromusculaire rare qui cause une dégénérescence des muscles, particulièrement dans les jambes, les bras, la bouche et la gorge.

Il a confié en entrevue avec la CBC qu'il a dû attendre sept heures avec une couche souillée avant qu'elle ne soit changée.

Il dit qu'une infirmière lui a dit plus tard qu'il n'était pas sur la liste des patients prioritaires à voir, et qu'ils travaillaient avec un patient en soins palliatifs qui était en train de mourir.

Je me suis certainement senti coupable d'avoir retiré des services à quelqu'un qui en avait davantage besoin, a déclaré M. Angeconeb.

Il croit tout de même que cette longue attente est inacceptable et qu'elle démontre que les hôpitaux ont un besoin aigu de personnel.

Un autre jour à l'hôpital, M. Angeconeb a demandé à une infirmière de lui donner un jus de fruits pour faire remonter son taux de glycémie.

L'infirmière ne l'a pas cru et ce n'est qu'après avoir fait beaucoup d'efforts pour défendre ses intérêts qu'il a obtenu ce dont il avait besoin.

L’aîné autochtone affirme que les deux incidents impliquaient des infirmières d’agences.

CBC/Radio-Canada n’a pas été en mesure de vérifier indépendamment le témoignage de M. Angeconeb.

La direction du Centre de santé Meno Ya Win de Sioux Lookout a refusé de faire des commentaires sur un patient en particulier et les soins qu’il reçoit, mais indique que des processus internes sont en place pour répondre aux enjeux soulevés par les patients.

Le Centre de santé n’a pas non plus partagé le nom des agences privées avec lesquelles il fait affaire pour pourvoir les postes vacants.

L'histoire de Garnet Angeconeb trouble profondément Sol Mamakwa, qui vient d'être élu pour un second mandat comme député provincial de la circonscription de Kiiwetinoong, où se trouve Sioux Lookout.

  1. Mamakwa raconte avoir travaillé avec M. Angeconeb à plusieurs occasions. Je suis vraiment désolé pour lui.

Il martèle que la discrimination et le racisme n'ont pas leur place dans le système de santé. Je dis ça d'une manière très constructive.

Ce que j'ai entendu pendant la campagne électorale, c'est que l'on devrait avoir un meilleur accès aux soins, ajoute M. Mamawka.

Manque de connaissance des réalités autochtones

Garnet Angeconeb affirme que des barrières culturelles entre lui et plusieurs infirmières d’agences, la plupart provenant du sud de la province, nuisent à la qualité des soins qu’il reçoit.

Il s'agit d'une situation où certains ne comprennent pas notre culture, notre mode de vie, et cela pourrait poser des problèmes en matière de soins aux patients, ajoute M. Angeconeb.

L'aîné rappelle que le Centre de santé Meno Ya Win de Sioux Lookout, ouvert depuis 2010, a été conçu pour mettre fin à la ségrégation des patients autochtones et allochtones de la région.

  1. Angeconeb croit que son expérience depuis trois mois montre que l’hôpital de Sioux Lookout n’est pas à la hauteur de cette promesse.

Avec la fusion de l'hôpital fédéral et de l'hôpital provincial, les Autochtones se sont fait dire que le niveau de service serait mieux, renchérit Sol Mamakwa.

L'élu croit que les infirmières d'agences devraient passer du temps directement dans les communautés autochtones, et pas seulement dans les villes comme Sioux Lookout.

La Dre Sarah Newbery est la doyenne associée de la stratégie de la main-d'œuvre médicale à l'Université de l'École de médecine du Nord de l'Ontario.

Elle souligne que le Nord de l’Ontario est touché de façon disproportionnée par la pénurie de main-d’œuvre en santé.

La Dre Newbery ajoute que les communautés de la région sont de plus en plus dépendantes aux médecins remplaçants et aux infirmières d’agences.

Janet Gordon, directrice des opérations pour l’Autorité sanitaire des Premières Nations Sioux Lookout (SLFNHA), abonde dans le même sens.

Plusieurs membres du personnel de l’organisme entretiennent des relations de longue date avec les 33 Premières Nations desservies, affirme-t-elle.

Le roulement de personnel peut toutefois nuire à l’offre de soins culturellement appropriée, car la SLFNHA n’a pas toujours l’occasion de former les employés temporaires, admet Mme Gordon.