Des musulmanes ontariennes racontent l’islamophobie dans leur région

Radio-Canada 13 juin 2022

Petites phrases assassines, peur de marcher seule dans la rue, menaces sur Internet… Plusieurs Ontariennes musulmanes racontent comment l’islamophobie les atteint au quotidien dans la région de Waterloo.

Noura Loubani cite en exemple son retour au travail, après son congé de maternité pour son premier enfant. Lorsqu'elle a annoncé être enceinte de son deuxième enfant, une collègue lui a dit en plaisantant qu'elle n'était pas surprise parce que vous essayez de nous surpasser.

Voilà une des raisons pour lesquelles Mme Loubani, qui vit à Cambridge, en Ontario, confie ressentir de la peur liée à l'islamophobie.

Pas physiquement peur, précise-t-elle, mais plutôt peur d'être jugée dans certaines situations. Selon les témoignages recueillis par CBC, Mme Loubani n'est pas la seule musulmane à vivre avec cette appréhension.

Aux yeux d'Iman M'Hiri, de Kitchener, le climat s’est dégradé après l'attaque mortelle au véhicule contre la famille Afzaal à London, dans ce que la police a décrit comme un crime motivé par la haine.

Mme M'Hiri, qui porte un hidjab, dit rester sur ses gardes depuis cette triste tragédie.

Ce qui est le plus déchirant, c'est qu'à ce jour, beaucoup de mes amis, moi y compris, lorsque nous marchons dans des endroits publics, je dois vérifier autour de moi, confie Mme M'Hiri.

Pour coïncider avec l'anniversaire commémoratif de l'attaque de la famille Afzaal, la Coalition des femmes musulmanes de Kitchener-Waterloo a publié un projet de rapport examinant la discrimination et la haine dans la région.

Ce document ne porte pas seulement sur l'islamophobie, mais aussi sur le racisme et la xénophobie. Il s'appuie sur les données d'un site de signalement lancé par le groupe en mars 2021 à l'intention des témoins et des victimes.

Incidents non déclarés

D'avril 2021 à la mi-mai de cette année, le site a reçu 104 rapports. Des incidents de haine et de discrimination ont également été signalés par courrier électronique, par message SMS, par téléphone et via WhatsApp, et la majorité des signalements ont été faits en arabe, précise la coalition.

Plus de la moitié - 81 des cas signalés - l'ont été en personne plutôt qu'en ligne.

En outre, 54 % des cas se sont produits à Kitchener et 26 % à Waterloo.

Selon Sarah Shafiq, directrice des programmes et des services de la Coalition, ces chiffres n’impliquent pas forcément qu'il y a eu plus d'incidents à Kitchener qu'à Waterloo. Davantage de travail communautaire et de sensibilisation a été mené à Kitchener, analyse-t-elle, ce qui facilite le signalement des incidents.

C'est un coup de projecteur, mais ce n'est pas un tableau complet, nuance Mme Shafiq.

Si les données du service de police de Waterloo ne sont pas disponibles pour la même période, on sait néanmoins que 54 crimes haineux ont été signalés à Kitchener, Waterloo et Cambridge en 2020, d’après les données les plus récentes transmises par le porte-parole de la police, André Johnson.

Nous reconnaissons que les incidents et les crimes motivés par la haine sont souvent sous-déclarés, précise M. Johnson dans un courriel.

La police continue de travailler avec des partenaires communautaires, comme la Coalition des femmes musulmanes de Kitchener-Waterloo et son portail en ligne pour signaler les incidents motivés par la haine, assure-t-il.