L’Ontario veut un modèle d’immigration québécois

Étienne Lajoie Le Devoir 14 juillet 2022

Le ministre du Travail de l’Ontario, Monte McNaughton, souhaite s’inspirer du modèle québécois et obtenir plus de pouvoir dans la sélection d’immigrants économiques lorsqu’il signera le prochain accord bilatéral sur l’immigration, à l’automne. En entrevue avec Le Devoir quelques jours après une rencontre avec son homologue québécois, Jean Boulet, Monte McNaughton affirme vouloir « plus de contrôle et d’autonomie ».

Le ministre ontarien se désole de ne pouvoir sélectionner que 9750 nouveaux arrivants cette année par l’entremise du Programme ontarien des candidats à l’immigration, alors que le Québec — qui fait cavalier seul au pays en la matière — choisit tous ses immigrants économiques. Le programme représente le volet ontarien du Programme des candidats des provinces, qui permet aux provinces de sélectionner un certain nombre d’immigrants économiques en fonction de leurs besoins. Le Québec n’en fait toutefois pas partie.

Au cours des quatre dernières années, le gouvernement ontarien n’a choisi que 13 % des immigrants économiques qui se sont établis sur son territoire ; en 2021, la province n’a choisi que 5 % de tous les nouveaux arrivants. Monte McNaughton souhaite voir augmenter cette proportion, vu la situation économique en Ontario. « Le nombre d’emplois non pourvus grimpe chaque mois », souligne le ministre au téléphone. Le nombre est passé de 340 000 au moment de son assermentation, à la fin mai, à 378 000 aujourd’hui, dit-il.

L’accord Canada-Ontario sur l’immigration prend fin en novembre, et le ministre du Travail souhaite signer une entente au plus tôt pour remédier à la situation. Monte McNaughton aimerait augmenter le nombre de nouveaux arrivants et améliorer le Programme des travailleurs étrangers temporaires. À court terme, il aimerait aussi voir le seuil de sélection passer de 9750 à 18 000. La pénurie de main-d’oeuvre « a un impact important sur notre PIB », dit l’élu, qui affirme que des secteurs comme l’éducation doivent être financés.

Monte McNaughton, à qui le premier ministre Doug Ford a ajouté le portefeuille de l’Immigration lors de l’assermentation du nouveau cabinet des ministres, a pu s’entretenir avec le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, le 30 juin. C’est le ministre McNaughton qui a contacté son homologue pour organiser l’appel. « Nous sommes heureux que l’Ontario souhaite s’inspirer de notre système, ce qui en démontre la pertinence », affirme Maude Méthot-Faniel, attachée de presse du ministre Boulet.

L’objectif de l’Ontario d’obtenir une autonomie dans la sélection des immigrants économiques est toutefois « irréaliste », selon Kareem El-Assal, le directeur des politiques du site CanadaVisa.com. La province pourrait quitter le Programme des candidats des provinces, mais ce ne serait pas dans ses intérêts, dit-il. Et en demandant une augmentation draconienne de l’allocation, l’Ontario placerait le gouvernement fédéral dans l’embarras, puisque d’autres provinces feraient la même demande, pense Kareem El-Assal.

Le gouvernement fédéral a déjà fixé ses cibles pour le Programme des candidats des provinces au cours des trois prochaines années. Elles s’élèvent à 83 500 nouveaux arrivants cette année et à 86 000 en 2023. Interrogé à savoir si une augmentation de l’allocation ontarienne — la plus grande au pays — signifierait que celle d’autres provinces diminuerait, Monte McNaughton répond que les provinces s’entendent pour dire qu’elles aimeraient avoir plus de pouvoir et un plus grand pouvoir de sélection.

Appel au changement

Le ministre peut compter dans son camp plusieurs organismes ontariens. Mardi, la Chambre de commerce de Toronto a donné son appui au ministre McNaughton dans sa campagne pour l’obtention d’un seuil presque doublé de sélection des immigrants économiques. La pénurie de main-d’oeuvre est « critique » et « grandissante » à Toronto, a déclaré la chambre de commerce. Le Conseil de la construction de l’Ontario est aussi du lot.

Le président de la Chambre de commerce de l’Ontario, Rocco Rossi, va plus loin et se demande pourquoi la province n’obtient pas une allocation de 40 %, soit la contribution approximative de la province à l’économie canadienne. Cela irait par contre à l’encontre des intérêts nationaux du Programme des candidats des provinces, note Kareem El-Assal. Certaines provinces dépendent presque entièrement du programme pour attirer des immigrants.

D’après Patrick McManus, le président de l’Alliance des métiers spécialisés de l’Ontario — un groupe d’associations du milieu de la construction —, la province est toutefois mieux placée pour répondre aux besoins locaux et aux besoins d’immigration. « Quelque chose doit changer. Le modèle québécois est idéal », affirme-t-il.