Radio-Canada le 9 octobre 2022
Des étudiants et des employeurs torontois applaudissent la décision d’Ottawa de lever temporairement la limite de 20 heures hebdomadaires de travail pour les étudiants. Pour eux, le coût des frais de scolarité, de l'hébergement et de la nourriture notamment, rendait impossible pour les étudiants de travailler si peu. Ils espèrent toutefois que ça ira au-delà de 2023.
Frishda Ghafoori gère le restaurant Zaad qui emploie une dizaine d’étudiants étrangers. Pour elle, les 20 heures de travail maximum par semaine ont toujours été un casse-tête.
Il faut employer plus de personnes et s’assurer qu’ils aient des quarts de travail équitables, explique-t-elle. L’annonce d’Ottawa vendredi est donc une bouffée d’air frais pour cette employeuse.
Aishwarya Nair est fraîchement diplômée de l’Université de Toronto en neuroscience. Si elle a eu la chance de pouvoir travailler sur le campus universitaire où la limitation d’heures ne s’applique pas, elle a tout de même vécu la même expérience que ces homologues en dehors. Faute d’information, elle a maintenu ses 20 heures par semaine pendant deux ans.
J’ai eu de la chance de jamais avoir eu de problème avec ça mais j’en connais qui en ont eu parce qu’ils ont fait une ou deux heures de trop, reconnaît-elle.
Vingt heures, on en vient très vite au bout. C’est toujours dans votre esprit et vous vous sentez un peu comme un problème parce qu’il faut le dire a tout le monde, aux ressources humaines. Vous devez leur dire que vous ne pouvez pas faire plus de 20 heures même s’ils ont besoin de vous pour plus, souligne-t-elle.
Si elle ne pourrait plus bénéficier du changement dans la loi puisqu’elle n’est plus étudiante, elle reconnait que la flexibilité de travail plus aurait été utile.
Je n'aurais peut-être pas fait du temps plein toutes les semaines mais ça aurait été bien d'avoir un peu de flexibilité pour faire parfois 23 ou 25 heures. Quelques heures de plus peuvent faire la différence par exemple dans des mois ou vous avez un peu plus de dépenses, précise-t-elle.
Comme beaucoup, elle espère que ce changement provisoire se poursuivra de façon plus pérenne au-delà de 2023.
Une protection pour des travailleurs souvent précaires
Sarom Rho est à la tête de Migrant students united, un regroupement pancanadien d’étudiants qui milite pour davantage de droits et qui pousse le gouvernement fédéral depuis 2012 à lever la limitation d’heures hebdomadaires.
Lever la restriction ce n’est pas une question de salaire mais de mobilité. C’est avoir la possibilité de quitter de mauvaises conditions de travail et de pouvoir le dénoncer. En vérité, il y a pleins d’étudiants qui travaillent plus que 20 heures. Mais ils ne s’expriment pas quand ils ne sont pas payés à temps, voire pas du tout. Ou bien s’il font face à des mauvais traitements au travail, explique-t-elle.
Cette situation de précarité est exacerbée par un coût de la vie en hausse.
Durant la pandémie, les frais de scolarité pour les étudiants étrangers ont augmenté de sept fois celui des étudiants domestiques. Ça veut dire qu’il y a davantage d’étudiants qui doivent travailler pour payer des frais déjà impossibles à payer, ajoute Sarom Rho.
Frishda Ghafoori le constate tous les jours alors que les étudiants sont ceux qui viennent frapper le plus souvent à sa porte à la recherche d’un emploi.
C’est une ville chère. Vous devez faire beaucoup d’argent pour vivre ici. Même pour moi c’est difficile, souligne t-elle.
Elle qui est maintenant résidente permanente réfléchit à reprendre des études, mais elle hésite. Si la limitation des 20 heures de travail hebdomadaires n’est pas supprimée de façon permanente, elle devra peut-être renoncer à son rêve.
Je sais que je vais faire face au même problème [que tous les étudiants étrangers] mais jai un enfant et je dois m’occuper de plein de choses”, conclut-elle.