Radio-Canada 14 novembre 2022
Écrasés par la hausse du coût de la vie, de plus en plus de Torontois ayant un emploi comme source principale de revenus se tournent désormais vers les banques alimentaires, selon un nouveau rapport.
Le nombre de personnes qui ont un emploi comme principale source de revenus a doublé, passant d'environ 16 % en 2021 à 33 % cette année, peut-on lire dans le dernier rapport Who's Hungry des banques alimentaires Daily Bread et North York Harvest publié lundi.
Le fait d'occuper un emploi ne garantit pas que l'on n'aura pas besoin d'utiliser une banque alimentaire, lit-on.
Avec 1,66 million de visites entre avril 2021 et mars 2022, contre 1,45 million l'année précédente, les banques alimentaires ont connu une nouvelle année record en ce qui concerne le nombre de visites et de nouveaux utilisateurs.
Non seulement les organismes voient les clients existants revenir plus souvent, mais il y a aussi un nombre croissant de personnes qui se tournent vers ces banques pour obtenir de l'aide pour la première fois.
Le besoin accru met à rude épreuve les ressources et la capacité des banques alimentaires à suivre le rythme de la demande, note le rapport.
Le fait d'avoir des chiffres records, ce n'est pas nouveau, nous les avons vus augmenter depuis le début de la pandémie et cela continue de s'aggraver, observe Diane Dyson, vice-présidente par intérim de Daily Bread.
Qu'il s'agisse des taux d'aide sociale ou du salaire minimum, les gens n’ont pas les moyens de vivre dans [cette] ville.
La faim, c’est une douleur profonde
Dans le rapport de 2022, près de la moitié des répondants – 49 % – ont déclaré sauter un repas pour payer d'autres nécessités comme le loyer ou les frais de transport.
Il y a trois ans, c'était la situation à laquelle Kimberly Mitchell et son mari Christopher Fink étaient confrontés.
Si vous avez déjà ressenti la faim, c'est une douleur profonde. Ce n'est pas une sensation confortable, souligne Kimberly Mitchell.
Elle raconte qu’elle vivait à North York, mais qu'elle n'était pas en mesure de payer un loyer, ce qui l'a finalement forcée à quitter sa maison. Alors, elle et son partenaire ont dû recourir aux refuges, aux banques alimentaires et aux programmes alimentaires religieux pour survivre.
Maintenant, le couple vit à Toronto avec l'aide du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées et des banques alimentaires.
Nous ne serions pas en mesure de vivre au jour le jour si nous n'avions pas l'aide de la banque alimentaire, assure-t-elle.
Des minorités fortement touchées
Pour Diane Dyson, une des conclusions les plus marquantes du rapport est le nombre de personnes qui ont déclaré n'avoir personne vers qui se tourner pour obtenir de l'aide. Environ 39 % des répondants ont déclaré qu'ils n'avaient personne dans leur vie sur qui compter en cas de besoin.
De plus, les groupes connaissant de manière disproportionnée des taux et une gravité d'insécurité alimentaire plus élevés comprenaient les personnes handicapées, les personnes racisées, les nouveaux arrivants et les personnes ayant un statut d'immigration précaire.
Sept répondants sur 10 qui ont déclaré ne pas avoir assez de nourriture étaient racisés. Parmi ceux qui ont déclaré avoir faim chez les enfants, 81 % étaient racisés, contre 19 % des enfants élevés dans des foyers blancs.
Ces groupes sont confrontés à des oppressions structurelles, telles que le racisme systémique et la xénophobie, qui se traduisent par un accès inéquitable à la richesse et à d'autres ressources, indique le rapport.
Ces conditions ont pour fonction de maintenir les individus dans la pauvreté et d'augmenter la probabilité qu’ils expérimentent l'insécurité alimentaire.
Les informations contenues dans le rapport ont été collectées à partir de la base de données Link2Feed, qui suit les entrées et les visites des utilisateurs. Les résultats du sondage proviennent de 1165 enquêtes téléphoniques et en ligne menées dans sept langues différentes et de trois entretiens approfondis avec des clients.
Parmi les utilisateurs des banques alimentaires, les répondants avaient un revenu mensuel médian de 1061 $, soit la moitié du seuil de pauvreté de 2020 à Toronto, qui est de 2060 $ par mois. Quatre-vingt-seize pour cent des répondants au sondage vivent en dessous du seuil de pauvreté.
C'est inadmissible
Les différents paliers de gouvernement doivent intervenir et admettre que nous avons un seuil de pauvreté qui définit ce dont vous avez besoin pour pouvoir vous permettre une vie digne, reprend Mme Dyson.
Nous savons qu'un tiers des personnes que nous nourrissons sont des enfants et que 12 % d'entre eux ont encore faim chaque semaine, remarque Diane Dyson.
C'est inadmissible.
Daily Bread prévoit une croissance de l'achalandage à au moins 2 millions de visites au cours de la prochaine année.