Immigration au N.-B. : les francophones toujours moins nombreux, mais ça s’améliore

Radio-Canada Publié le 14 janvier 2023

Le Canada a accueilli un nombre record de résidents permanents en 2022. Au Nouveau-Brunswick, la majorité d’entre eux — plus de trois sur quatre — ne sont pas francophones. Cela peut sembler beaucoup, mais la tendance s’améliore, selon un observateur bien au fait de la situation.

L’année dernière, 10 241 personnes ont obtenu le statut de résident permanent au Nouveau-Brunswick, dont 4055 à Moncton.

L'ombre au tableau dans la seule province officiellement bilingue au Canada, c’est que la majorité des nouveaux arrivants (77,46 %) ne parlent pas le français.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) indique que 22,54 % de ces 10 241 nouveaux résidents permanents sont considérés comme étant francophones, ce qui représenterait 2308 personnes.

On a longtemps parlé du fait qu'on était dans les 15 %, 16 %, 17 % en matière d'immigration francophone. Aujourd'hui, on parle de 22 %, note Moncef Lakouas, le président du Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick.

Pour pouvoir se rendre à 22 % en une si courte période de temps, il y a beaucoup d'effort qui ont été fait, pas juste par la province, mais par tous les partenaires, a-t-il souligné dans une entrevue, vendredi.

L’intérêt à l’égard du Nouveau-Brunswick est manifeste, assure Moncef Lakouas. Je parle aussi avec des gens à l’international [...] des consultants en immigration, les gens qui font les tests, et cetera, ils me disent qu'ils sont extrêmement débordés.

Selon lui, le Nouveau-Brunswick parvient à se faire un nom et une réputation à l’étranger. Depuis trop longtemps, le Québec était le seul endroit francophone que les immigrants potentiels en Europe et en Afrique connaissaient, dit-il.

Les gens commencent pour la première fois à connaître ce qu'est le Nouveau-Brunswick, déclare Moncef Lakouas. Aujourd'hui, le Nouveau-Brunswick [est] une option extrêmement viable pour les francophones d'ailleurs, pour pouvoir s'installer, travailler, élever une famille ici.

Miser sur la rétention

Il croit que l’Acadie en est à présent à la prochaine étape : la rétention à long terme des nouveaux arrivants. Le fait que les gens veulent venir, maintenant on l'a. Chose qu'on n'avait pas auparavant, parce qu'on compétitionnait avec d'autres provinces.

Aujourd'hui, on a bâti la réputation d'une province qui peut accueillir et retenir des personnes. Faut qu'on se concentre sur des questions qui sont extrêmement importantes, à savoir comment on peut les retenir ici à long terme, a mentionné Moncef Lakouas.

Parmi les solutions pour que les nouveaux arrivants restent au Nouveau-Brunswick longtemps, M. Lakouas aimerait une meilleure reconnaissance des acquis et des diplômes qu’ils apportent avec eux de leur pays d’origine; et des solutions de logement abordables pour des familles qui comptent plusieurs enfants, ce qui est courant chez beaucoup de Néo-Canadiens.

La Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) estime que la province peut en faire encore davantage. L’organisme de défense des droits des francophones réclame que le Nouveau-Brunswick prenne les pleins pouvoirs en immigration et développe ses propres stratégies.

On pourrait sélectionner nous-mêmes nos immigrants — que ce soit francophone ou anglophone — et on pourrait travailler véritablement sur une réelle rétention, et arrêter de faire des programmes d’immigration d'Ottawa qui sont basés sur des besoins d'Ottawa, a déclaré vendredi Alexandre Cédric Doucet, le président de la SANB.

On ne peut pas faire l'immigration à Moncton comme on la fait à Caraquet, précise-t-il. C'est pas possible. Toutes nos régions au Nouveau-Brunswick ont leurs propres besoins.

Les gouvernements sont présentement en train de négocier des ententes fédérales-provinciales au niveau de l'immigration. Comme on sait, l'immigration, c'est un champ de compétences partagé, poursuit M. Doucet.

Le Nouveau-Brunswick a, je pense, les outils constitutionnels nécessaires pour s'accaparer beaucoup plus de pouvoirs, comme le Québec, soutient-il. Ils doivent faire preuve d'arguments et aller chercher beaucoup plus de pouvoirs pendant leurs négociations, ce qui va faire en sorte qu'ils auront plus de moyens pour atteindre leurs objectifs.

Le poids démographique des francophones a baissé

Les cibles d’immigration francophone que le gouvernement fédéral fixe à l’extérieur du Québec ne seront jamais pertinentes pour le Nouveau-Brunswick si la province ne prend pas le contrôle de ses politiques en la matière, martèle Alexandre Cédric Doucet.

Pour la communauté francophone et acadienne du Nouveau-Brunswick, tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral centralise l'immigration à Ottawa, on sera toujours perdants. La cible à Ottawa ne devrait pas nous affecter, elle devrait être décentralisée totalement au gouvernement provincial, dit-il.

Pour maintenir le poids démographique des francophones au Canada, Ottawa a un objectif de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec.

Le pays ne parvient jamais à l’atteindre, même si cela fait 20 ans qu’il essaie.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a demandé récemment à ce qu’Ottawa se dote d'une cible de réparation de 12 % d’immigrants francophones par année dès 2024, qui augmenterait progressivement pour atteindre 20 % d’immigrants francophones d'ici 2036.

On reconnaît que 4,4 % à ce stade ici, on va vraiment pas réparer, on va continuer à avoir de la perte démographique. Ça fait qu'on doit être ambitieux, a convenu vendredi matin à Moncton la ministre fédérale des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.

Elle assure que le fédéral a bien compris, à travers des séries de consultations à travers le pays, que la diminution du poids démographique des francophones est au coeur de toutes les préoccupations.

Nous avons vu les données du recensement, a affirmé la députée de Moncton—Riverview—Dieppe. On voit le déclin du français au pays et puis on veut s'assurer qu'on peut réparer cette perte démographique.

Ginette Petitpas Taylor qualifie l'immigration francophone d'un des outils essentiels  pour y parvenir.

Les données du plus récent recensement indiquent que la proportion des Canadiens pour qui le français est la première langue officielle parlée a diminué de 22,2 % en 2016 à 21,4 % en 2021.

Au Nouveau-Brunswick, le pourcentage de francophones a diminué de 31,6 % à 30 % de 2016 à 2021.